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Histoire de l'hygiène : comment nos habitudes ont façonné notre santé ?

  • nettoyage à domicile
  • 27 juin
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 28 juin

L’hygiène fait aujourd’hui partie de nos gestes quotidiens, mais cette notion a une histoire complexe et parfois surprenante. Depuis les bains somptueux de la Rome antique jusqu'aux révolutions scientifiques du XIXe siècle, l’évolution des pratiques d'hygiène a façonné notre santé et influencé notre espérance de vie.


Retour sur une histoire fascinante où les croyances, les sciences et les habitudes sociales se croisent et s’opposent.


L'hygiène chez les Romains : une société du bain public

Dans l'Antiquité, les Romains ont développé une culture de l'hygiène très avancée. Les thermes romains, ouverts à tous, faisaient partie intégrante de la vie sociale. L'historien Lionel Dupuy (2017) rappelle que ces bains n'étaient pas seulement un plaisir mais un véritable rituel hygiénique.


Les Romains disposaient de systèmes d’évacuation des eaux usées, de latrines publiques et d'aqueducs impressionnants. Selon une étude américaine (Mitchell, 2016), ces infrastructures ont permis de limiter certaines maladies hydriques, mais n’ont pas totalement protégé la population contre les parasitoses, présentes même dans les latrines publiques.


Le Moyen Âge : entre recul de l'hygiène et croyances religieuses


Après la chute de l'Empire romain, les habitudes d'hygiène se sont progressivement perdues en Europe. Les bains publics, longtemps florissants, furent délaissés, souvent associés à la luxure et aux maladies.

L'église médiévale a participé à ce recul en prônant la pureté de l'âme plutôt que celle du corps. Une étude de Jean-Pierre Goubert (1982) met en avant que la peur des contagions et l’association entre eau et diffusion des maladies ont entraîné une baisse des pratiques de lavage.


Pourtant, l’historiographie contemporaine nuance cette vision. Des travaux de Georges Vigarello (1985) montrent que l’hygiène médiévale n'était pas absente mais différente : on privilégiait le nettoyage à sec avec des linges et des poudres parfumées.


Les grandes épidémies : une prise de conscience douloureuse

La peste noire au XIVe siècle, qui a décimé près d'un tiers de la population européenne, a marqué un tournant. On commence à penser que la proximité, la saleté et l'air corrompu favorisent la propagation des maladies.


Les théories miasmatiques, très populaires jusqu'au XIXe siècle, affirmaient que les "mauvaises odeurs" étaient la cause des épidémies. Une étude de Snow et al. (1854) sur l’épidémie de choléra à Londres a cependant amorcé un changement en reliant l’épidémie à la contamination de l'eau, préfigurant la théorie microbienne.


La Renaissance et la réticence à l'eau


Au XVIe et XVIIe siècles, les bains deviennent suspectés d’ouvrir les pores du corps aux maladies. Les élites se détournent des bains d'eau au profit des parfums et du changement régulier de linge. L'historienne américaine Dorothy Porter (1997) souligne que les pratiques d'hygiène corporelle étaient alors davantage symboliques que réellement sanitaires.

Ce rejet de l'eau a persisté jusqu'au XVIIIe siècle, malgré quelques initiatives d’aménagement urbain, comme les premières fontaines publiques et les tentatives d'assainissement des rues.


Louis Pasteur et la révolution de la théorie microbienne


Le XIXe siècle marque un véritable bouleversement avec les travaux de Louis Pasteur. En 1861, il démontre que les micro-organismes invisibles sont responsables de la fermentation et de la putréfaction, puis étend ses recherches aux maladies infectieuses.

La pasteurisation, la vaccination et les mesures antiseptiques, notamment celles du chirurgien Joseph Lister, changent radicalement la manière dont on perçoit l'hygiène. L'Organisation Mondiale de la Santé rappelle que cette révolution scientifique a eu un impact considérable sur l'espérance de vie et la réduction des infections nosocomiales.


Hygiène et révolution industrielle : la prise de conscience collective


Avec l'urbanisation rapide, les conditions sanitaires dans les villes du XIXe siècle se dégradent : accumulation de déchets, promiscuité, pollution.

Les travaux d’épidémiologistes comme William Farr en Angleterre ou Villermé en France mettent en lumière les inégalités sanitaires liées aux classes sociales.


La construction des premiers réseaux d'assainissement, l’aménagement de bains publics et la réglementation de la salubrité urbaine deviennent des priorités. Une étude de Szreter (2005) rappelle que ces progrès collectifs, plus que les avancées médicales seules, ont permis une réelle augmentation de l'espérance de vie au XIXe siècle.


Le XXe siècle : l’hygiène s’invite dans les foyers


Avec la généralisation de l’eau courante, l’accès à des sanitaires privés et l'essor des produits d’hygiène corporelle, les gestes de nettoyage deviennent des normes sociales incontournables.

Les campagnes de santé publique des années 1950-1970 encouragent le lavage des mains, la vaccination et la consommation d’eau potable. Les travaux de Curtis et Cairncross (2003) montrent que le lavage des mains à grande échelle a significativement réduit la mortalité infantile dans plusieurs pays.


Le débat contemporain : entre hygiène nécessaire et hygiène excessive


Depuis la fin du XXe siècle, la recherche remet en question certaines pratiques d’hygiène excessive. L'hypothèse hygiéniste, formulée par David Strachan (1989), suggère qu'un manque d'exposition aux microbes dans l'enfance pourrait favoriser les allergies et les maladies auto-immunes.

Des études récentes menées par le professeur Martin Blaser (2014) insistent sur la nécessité de préserver le microbiote humain, fragilisé par une hygiène trop agressive et la surconsommation d’antibiotiques.


Aujourd'hui, la question se pose : comment concilier hygiène efficace et respect de nos écosystèmes microbiens ?


La crise du COVID-19 : un retour en force des gestes barrières


La pandémie de COVID-19 a réactivé la conscience collective autour de l’hygiène. Le lavage des mains, le nettoyage des surfaces et la ventilation des lieux clos sont redevenus prioritaires.

Des études menées par le Center for Disease Control (CDC) et l’Organisation Mondiale de la Santé confirment que ces gestes simples restent parmi les plus efficaces pour limiter la propagation des virus respiratoires.

Pour autant, les experts alertent sur la nécessité de trouver un juste équilibre afin de ne pas affaiblir inutilement notre microbiote cutané et intestinal.


Conclusion : Une histoire entre progrès et déséquilibres


L'histoire de l'hygiène est une succession de ruptures et de réajustements. Longtemps sous-estimée, puis survalorisée, l’hygiène moderne continue d'évoluer à la lumière des nouvelles découvertes scientifiques.

Les progrès sanitaires ont sauvé des millions de vies et allongé notre espérance de vie. Mais le défi actuel est de promouvoir une hygiène mesurée, respectueuse des micro-organismes qui nous protègent.

Cette histoire nous rappelle que nos habitudes ne sont jamais neutres : elles façonnent notre santé, notre société et nos rapports au vivant.


Références

  1. Dupuy, L. (2017). Les bains romains et l'hygiène antique. Revue des mondes anciens.

  2. Mitchell, P. D. (2016). Human parasites in the Roman world: Health consequences of sanitation. Parasitology.

  3. Goubert, J.-P. (1982). La conquête de l'eau. Presses Universitaires de France.

  4. Vigarello, G. (1985). Le propre et le sale. Seuil.

  5. Snow, J. (1854). On the Mode of Communication of Cholera. John Churchill.

  6. Porter, D. (1997). Health, Civilization and the State. Routledge.

  7. Lister, J. (1867). On the Antiseptic Principle in the Practice of Surgery. The Lancet.

  8. Szreter, S. (2005). Health and Wealth: Studies in History and Policy. University of Rochester Press.

  9. Curtis, V. et Cairncross, S. (2003). Effect of washing hands with soap on diarrhoea risk in the community: A systematic review. The Lancet Infectious Diseases.

  10. Strachan, D. P. (1989). Hay fever, hygiene, and household size. British Medical Journal.

  11. Blaser, M. J. (2014). Missing Microbes. Henry Holt & Co.

  12. Center for Disease Control (CDC) & World Health Organization (WHO). (2020). COVID-19 Hygiene Guidelines.


 
 
 

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